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Petite sale – Louise MEY

Lundi 10 février 1969, la petite Sylvie, 4 ans, disparait. Son grand-père est un puissant propriétaire terrien qui fait cultiver le betterave à sucre. Une rançon est demandée.

La dernière personne à avoir vue la petite est Catherine, la bonne à tout faire, trop sale pour servir à table.

Débarquent d’abord 2 policiers de Paris : le jeune Gabriel Sautet et son mentor Dassieux ; puis le journaliste Philippe Declerc qui a toujours une information d’avance sur les enquêteurs.

J’ai aimé Gabriel, jeune homme fougueux amoureux fou de Claudia, restée à Paris car elle fait des études de droit tout en défendant les immigrés italiens.

J’ai eu de la peine pour la mère de Sylvie, Clémence, coincée dans ce mariage en pleine campagne, qui ne peut pas faire ce qu’elle veut (passer le permis, travailler…). Son mari, Michel, second fils devant reprendre la suite du père, est jugé mou par tout le monde.

J’ai détesté le grand-père Augustin Demest qui doit sa propriété à sa femme, et son Domaine aux rachats des terres après la guerre de 45. Un homme qui ne laisse personne diriger son exploitation, même pas son contremaître Radier qui n’a pas grand chose à faire.

Un homme qui ne pense qu’à son argent, et la rançon qu’il veut récupérer, faisant peu de cas de sa petite fille. Un homme qui ne cherche que le retour sur investissement et exige de tout le monde des services.

Un homme comme les autres qui a la main baladeuse (c’est courant à cette époque), et parfois fait usage du droit de cuissage.

Le pire étant l’instituteur qui propose aux veuves d’aider scolairement leur enfant avec une contrepartie.

J’ai aimé que Marie Caron, la mère de Catherine, refuse de tels marchés, même si elle le paye cher : elle ne sera jamais employée par le grand-père et sa fille aura de mauvaises notes.

J’ai aimé les travailleurs italiens dont un seul parle français. Ces hommes tout de suite soupçonnés alors qu’ils sont trop fatigués pour autre chose que le travail.

L’auteure laisse à voir une France rurale de 1969, loin de la modernité, où il fait froid même dans les pièces chauffées au mazout.

J’ai découvert le bélinographe, qui permet à la secrétaire d’envoyer des dessins et photos du suspect à Paris rapidement.

Et Catherine dans tout ça ? Elle apparait parfois, gênée, silencieuse, sortant vite. Et de cette position, elle en fait un atout.

J’ai aimé cette jeune fille invisible, trop sale pour certain, travaillant 7 jours sur 7 pour un salaire de misère. Une jeune fille qui voit tout et sait tout et qui, un jour, décide d’agir.

J’ai aimé l’ambiance froide et pleine de boue de ce roman ; les policiers qui s’enlisent dans les non-dits ; la neige et le froid qui se glisse partout ; le rythme lent de l’enquête.

J’ai aimé les luttes de classe qui se jouent en sourdine entre le propriétaire terrien qui régit aussi les habitants (leur travail, leur maison) et les forces de l’ordre ; celle entre les hommes ayant un pouvoir et les femmes qui refusent de s’y plier.

Une enquête passionnante qui se déroule sur une semaine avec des personnages plus vrais que nature.

Une citation :

… des traces de leur vie dans la crasse des autres. (p.346)

L’image que je retiendrai :

Celle de l’absence de Catherine une bonne partie du roman : personne ne se soucie de ce qu’elle fait, personne ne la regarde alors que tous les regards devraient se tourner vers elle.

Points, 12 janvier 2024, 360 pages

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