Les Alexandrines – Marjan TOMSIC
Qui étaient ces « Alexandrines », femmes slovènes d’origine modeste et rurale, parties travailler en Égypte juste après l’ouverture du canal de Suez de la fin du XIXe siècle aux années 1950 ? Nourrices, gouvernantes, cuisinières, elles étaient appréciées par la société cosmopolite d’Alexandrie pour leur propreté, leur honnêteté et leur intelligence.
Les trois héroïnes, Merica, Ana et Vanda, embarquent à Trieste sur un bateau à vapeur pour rejoindre Alexandrie. Là-bas, elles travaillent en tant que nourrice, femme de chambre, dame de compagnie pour envoyer de l’argent à leur famille restée au pays.
J’ai aimé suivre ces trois femmes au destin si différent : Ana travaille dans un hôtel et monte vite en compétences ; Merica a du mal à allaiter le bébé d’une riche famille anglaise ; Vanda ne perçoit pas les tractations du vieux couple chez qui elle travaille comme dame de compagnie.
J’ai découvert des jeunes femmes slovènes obligées de s’exiler en Egypte pour « gagner des sous » car dans leur village, leur famille est endettée.
Ce sont des jeunes femmes qui apprennent facilement les langues étrangères (français, anglais, italien et l’arabe en le pratiquant sur place).
Ces sont des jeunes femmes qualifiées de propres, honnêtes et intelligentes. Elles n’exercent donc pas les métiers les plus salissants et sont parfois admises à la table de leur employeur.
Si j’ai aimé le leitmotiv des sous qu’il faut envoyer au pays, la continuelle obsession de leur famille slovène, j’ai moins apprécié la répétition des qualités des jeunes exilées (propreté, honnêteté et intelligence).
J’ai eu de la peine pour celles qui rentraient au pays : d’une part parce qu’elles sont devenues d’autres femmes (elles s’habillent différemment, se comportent différemment), et d’autre part parce qu’elles ont sans cesse envie de repartir plus forcément pour gagner des sous, pour bénéficier d’une autre vie plus aisée.
Leur famille aussi, parfois, ne souhaite pas qu’elles rentrent une fois leur travail terminé et les laisse vieillir et mourir en Egypte.
J’ai souri chaque fois que le mot damote apparaissait : il désigne les alexandrines qui reviennent et se comportent comme des dames de la haute société qu’elles ont cotoyées.
J’ai aimé que Merica incarne cette femme tiraillée entre son bébé Mihec laissé à la ferme avec son mari et Thomas, le bébé anglais dont elle s’occupe et avec qui elle joue. Une fois rentrée en Slovénie auprès de sa famille qui lui a tant manquée, elle aussi rêve de repartir.
J’ai aimé que ce roman raconte d’autres vies et expériences que celles des trois personnages principales.
J’ai aimé découvrir une ville cosmopolite où juifs, musulmans et européens vivent ensemble dans la chaleur étouffante et la végétation luxuriante.
Quelques citations :
Si nous, les Egyptiennes, on n’était pas là, une baraque sur deux serait vide ou vendue aux Ritals pour quelques sous. (p.61)
Les rusés prennent les imbéciles dans leurs filets. Il existe deux filets : l’un est utilisé par les églises du monde entier et l’autre par la politique. Des rêves ! Ces rêves perfides et mensongers auxquels tant de croyants naïfs se laissent prendre. (p.332)
L’image que je retiendrai :
Celle du port de Trieste en Italie d’où partent les Alexandrines pour gagner des sous pour leur famille.
Agullo, 25 Septembre 2025, 404 pages
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18 commentaires
vagabondageautourdesoi
Une chronique qui donne envie !
Alex-Mot-à-Mots
Tant mieux. J’ai aimé cette lecture.
keisha41
Jamais entendu parler de ces histoires, justement cela parait bien intéressant à connaître!
Alex-Mot-à-Mots
Trois femmes et trois vies si différentes. Et un brin de dépaysement.
je lis je blogue
Ce roman est dans ma PAL. J’ai déjà une très bonne critique quelque part. J’ai quelques autres lectures (pour des challenges et LC à lire avant) mais tu me donnes envie de le remettre sur le haut de la pile.
Alex-Mot-à-Mots
Une lecture que j’ai savourée.
Sacha
Je suis contente de lire un premier avis sur ce roman dont Passage à l’Est avait annoncé la parution. Il m’intéresse !
Alex-Mot-à-Mots
J’espère qu’il croisera ta route, c’est une lecture passionnante.
Ingannmic
Un sujet original, des héroïnes bien campées, du dépaysement… me voilà bien tentée !
Alex-Mot-à-Mots
Ce roman a en effet tout pour plaire.
Cath L
Intéressant, il y a souvent de belles découvertes à faire aux éditions Agullo.
Alex-Mot-à-Mots
J’aime beaucoup cette maison d’édition et je lui suis fidèle.
bulledemanouec671473c7
Des héroïnes dont on a envie de découvrir le destin. Je ne connaissais pas leur histoire et tu me donnes envie de faire leur connaissance. Merci pour cette découverte.
Alex-Mot-à-Mots
J’ai en effet beaucoup aimé ces 3 femmes.
Light And Smell
Tu me donnes envie de découvrir le destin de ces trois femmes, ces Alexandrines qui semblent finir par être tiraillées entre leur patrie et leur nouvelle vie.
Alex-Mot-à-Mots
Ce roman est passionnant de ce point de vue aussi.
aifelle
Ce n’est pas d’aujourd’hui les plus pauvres qui quittent pays et famille pour aller gagner de l’argent dans un autre pays ! J’ignorais cette migration-là et ça m’intéresse. Je note.
Alex-Mot-à-Mots
J’ignorai également cette migration féminine avant de commencer cette lecture.