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Le Voyant d’Etampes – Abel QUENTIN

Quel plaisir de retrouver la plume intelligente et quelque peu caustique de l’auteur dont j’avais adoré Cabane.

Autre roman, autre contexte : nous suivons Jean Roscoff, universitaire à la retraite, alcoolique et divorcé dont les heures de gloire sont derrière lui.

J’ai aimé son ex-femme, une working-woman qui veut réussir son divorce comme elle réussit sa carrière professionnelle.

J’ai eu de la peine pour Jean, 65 ans, qui n’a qu’un seul ami Max, avocat plein aux as. Jean dont le précédent roman sur les époux Rosenberg a fait un flop deux jours après sa sortie.

J’ai eu de la peine pour Jean qui ne cesse de répéter qu’il a fait la marche des beurs et le concert de la Bastille du 15 juin 1985.

Mais j’ai aimé sa passion pour le poète américain Robert Willow qui émigrera en France, fréquentera Saint-Germains-des-Prés à la haute époque et finira sa vie à Etampes à écrire des poèmes avant de décédé jeune dans un accident de voiture.

J’ai aimé que des extraits de poèmes de Willow parsèment le roman.

J’ai adoré les mouvements féministes qui apparaissent dans le roman, notamment celui du trans-exclusionary radical feminism. Pour les TERF, on est une femme si on nait avec des organes génitaux féminins. Le ressenti d’identité de genre ne compte pas. Quelle horreur et quelle exclusion dans la pensée du groupe.

J’ai découvert l’arrière-cour du mouvement SOS racisme : Harlem Désir était utilisé comme une tête de gondole par Julien Dray qui dirigeait tout, en autocrate.

J’ai également découvert le critique Alain Pacadis dont la mort signe véritablement la fin du punk ; le gin Bombay Sapphire ; le projet Venona qui a tenté de casser les codes de communication des Russes.

J’ai aimé Marc qui cite Sun Tzu à tout bout de champ et Jean qui conduit sa vieille Toyota Prius.

J’ai aimé que ce roman me parle de la haine qui monte rapidement sur les réseaux sociaux, un monde totalement étranger à Jean. Mais une haine qui passe vite, trouvant sans cesse de nouvelle cible.

J’ai aimé que ce roman mêle années de militantisme socialiste des années 80, les années 50 avec Sartre et Camus, et notre monde connecté moderne.

Un roman riche et puissant dont j’ai à peine effleuré les sujets dans ce billet.

Quelques citations :

Dans ces années-là, j’avais l’impression que les étudiants étaient de plus en plus cons. C’était, bien sûr, une illusion : le signe que ma patience et mon dévouement trouvaient plus rapidement leurs limites. (p.55)

Je comprenais avec une acuité nouvelle la révolte des vieux que leurs enfants empêchent de s’autodétruire. C’était infantilisant et hypocrite, ce genre d’ingérence trahissait l’égoïsme le plus forcené, celui des enfants qui veulent se couvrir, dormir sur leurs deux oreilles sans entendre la voix singulière du vieillard, son besoin profond de voyager quelques heures  en dehors de son corps. (p.72)

L’image que je retiendrai :

Celle de la librairie le Lézard enragé dans laquelle Jean présente son livre avant la catastrophe.

Lu sur Liselotte

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