Les filles de la famille Stranger – Katherena VERMETTE
Ce roman a reçu le Atwood Gibson Writers’ Trust Fiction Prize (LE prix littéraire canadien).
J’ai aimé découvrir ces 4 femmes, dont une est encore une jeune fille ; leur lien de filiation et leur vie.
Le récit se déroule à Winnipeg, Manitoba, et met en scène deux des trois filles d’Elsie (Phoenix et Cedar Sage), Elsie et sa mère Margaret. Chacune à son tour raconte une année de sa vie et ce pendant 5 ans (la dernière année étant celle du confinement).
Nous ne saurons jamais pourquoi Phoenix a été condamnée et est en prison. Le récit commence quand elle accouche puis est séparé de son fils qu’elle prénomme Sparrow, du nom de la troisième soeur décédée.
Cedar Sage est placée en famille d’accueil et est une excellente élève.
Elsie se débat avec la drogue, trouvant parfois refuge chez son oncle handicapé qui l’héberge au gré de sa santé.
Et puis Margaret, venue du passé, qui raconte les origines de la famille : sa propre mère Annie / Angelique qui prend Elsie sous son aile – pourquoi et comment Margaret est tombée enceinte d’Elsie – la mort d’Annie et la vente de la maison qui met Elsie dehors avec ses deux premières filles.
Vous l’aurez compris, cette famille éclatée ne respire pas la joie de vivre et c’est grâce à ces quatre femmes que l’auteure peut nous parler des vies détruites des autochtones canadiens.
J’ai aimé Margaret qui aime faire des puzzles mais est en colère car elle n’a pas pu terminer ses études universitaires à cause de sa grossesse non désirée.J’ai aimé en apprendre un tout petit peu de la culture autochtone : le rougarou représente la colère et le windigo ce qui débloque dans la tête.
Oui, il est question de santé mentale dans ce roman : Phoenix ne va pas bien et personne ne sait la soigner de sa dépression qu’elle refuse d’admettre.
J’ai eu de la peine pour Cedar qui déclare elle-même qu’elle est triste : une tristesse qui a durci comme la surface d’un flan. Elle sent une espèce de croute sur elle et est sûre que tout le monde la voit (p.221)
J’ai eu de la peine pour Elsie, jeune femme en manque d’amour et qui cherche refuge fans la drogue. Elle dit elle-même que l’addiction a quelque chose de très réconfortant. Et à sa façon, elle est absolument sans danger. On sait ce qu’il faut faire. Et quelle effet ça aura. Alors on succombe. Comme on succombe à l’amour. C’est peut-être de l’amour. (p.238)
Par deux fois, un personnage répète que la dépression, c’est comme une sorte de rage mais tournée vers l’intérieur. La personne retourne cette énergie négative contre elle. Je suis assez d’accord avec ce propos.
J’ai aimé que Phoenix trouve son nom traditionnel : G’witchikwaanakwaadok, qui veut dire qui apparait de derrière les nuages (p.284).
Les 4 femmes de cette famille sont toute à leur façon en colère pour une raison différente chacune. Elles réagissent toutes différemment : Margaret fait tout à la place des autres pour expulser sa colère qui ne tarit jamais ; sa fille Elsie se drogue ; Phoenix a commis un crime ; Cedar travaille bien au lycée.
L’auteure, au détour d’une phrase prononcée par un personnage, déclare que toute famille est faite d’une myriade d’histoires tristes. Mais en grandissant, il est apparu que seuls les Indiens, et les Métis, étaient pénétrés de chagrin jusqu’à la moelle des os, s’échangent leur désespoir comme on s’échange une recette de cuisine, et ont la peau tissée de désolation, de rejet et de reniement. Comme si les histoires tristes constituaient le seul héritageà se transmettre (p.424).
Vous l’aurez compris, ce roman riche et passionnant m’a fait découvrir cette communauté autochtone dont on parle peu ou pas. Une communauté qui a perdu la richesse de sa culture mais aussi l’amour pour ne garder que la colère et le ressentiment.
Une lecture forte et éclairante.
Un coup de coeur

L’image que je retiendrai :
Celle de pratiquement tous les personnages qui veulent partir en Alberta où subsistent des communautés autochtones qui n’ont pas perdu le lien avec leurs racines.
Albin Michel, 5 février 2025, 464 pages
Partager :
- Cliquer pour partager sur Mastodon(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Mastodon
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquez pour partager sur Pinterest(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Pinterest
Généalogie du mal - JEONG You-jeong
12 commentaires
bulledemanouec671473c7
Inconnue de ma médiathèque mais peut-être qu’il sera acheté. Je l’ai noté ce n’est pas si fréquent que tu aies des coups de coeur…Merci pour la découverte
Alex-Mot-à-Mots
Et deux d’affiler, en plus, c’est encore plus rare.
gambadou
Je note ce coup de coeur, merci pour cette découverte.
Alex-Mot-à-Mots
J’ai vraiment tout aimé dans ce roman.
Aifelle
Je vais l’emprunter dès que possible à la bibliothèque. Si tu avais lu d’abord « les femmes du North-End » tu saurais pourquoi Phoenix est en prison. Je te le conseille vivement.
Alex-Mot-à-Mots
Je note le titre de ce premier volet, merci.
Sacha
J’ai prévu de commencer par Les femmes du North End, et ce roman-ci suivra si j’ai aimé le premier 😉
Alex-Mot-à-Mots
Je viens de le réserver à ma BM.
keisha41
Ah il s’agit de plusieurs livres, pour l’auteure.
(et tes billets apparaissent avec retard chez moi, il faut que je descende dans ma liste pour les trouver;..)
Alex-Mot-à-Mots
WordPress fait des siennes en ce moment, pffff….
lPLK
ah ah un coup de coeur ? je vais me pencher vers cette lecture e cette auteure que je ne connais pas
Alex-Mot-à-Mots
Je l’ai découverte avec ce second roman. Je viens de réserver le premier à ma BM.