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Près du mur nord – Petra KLABOUCHOVA

Il y a l’Homme au coeur troué, qui s’est fait tiré dessus après que les gardes ont assassinés sa mère qui tentait de fuir le pays.

Il y a la Soignante des mourants qui travaille dans la maison de retraite Sainte Anne sans moyen.

Il y a les Dossiers Noirs avec des renseignements sur sept personnes anciennement employées par le gouvernement communiste et qui devaient faire entrer la doctrine à n’importe quel prix.

Il y a la prison de Pankrac où se déroulait des actes devant restés secrets.

Il y a la StB et l’action Kamen qui faisaient définitivement passer le goût de la rébellion.

Mais il y avait aussi des femmes qui ne voulaient pas signer de faux aveux ; il y avait Honza le doux qui prenait soin comme il pouvait des femmes.

Il reste de ces années de terreur communiste des fosses auprès du mur nord du cimetière Dablice de Prague.

Sur ce sujet difficile (celui des tortures des opposants politiques), l’auteure m’a prise par la main et je ne l’ai pas lâchée.

J’ai été horrifiée par certains actes de geôliers qui n’agissaient pas mieux que leurs prédécesseurs nazis.

J’ai aimé découvrir chaque vie contenue dans les dossiers noirs.

J’ai eu de la peine pour ces « enfants du régime ». Les enfants volés que le régime, dans les années 50, a volé aux détenues : plusieurs centaines d’enfants ont disparu chez les agents de la StB ou les matons. Il se dit que le marché de l’Ouest pouvait aussi les acheter contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Personne ne parlait de leur sort. Ni à l’époque, ni aujourd’hui. (p.256)

Un roman extrêmement bien construit qui alterne l’Homme au coeur troué, sombre et toussant ; et la Soignante des mourants avec les couleurs qui l’entourent.

J’ai aimé ne connaître leur véritable nom qu’à la fin de ma lecture : cette répétition de synecdoque m’a plongé dans un univers spécial où tout devait être effacé, rester vague et flou.

Un roman à l’atmosphère particulière : le noir des cachots mais aussi le chant de la petite Tzigane.

J’ai aimé, en fin de récit, connaitre celle par qui tout commence (La Chercheuse de tombes).

Un roman qui met la lumière sur les exécutés et les martyrisés des années 50 enterrés ensemble loin des yeux de ceux de leur pays.

Un grand roman, un coup de coeur.

Quelques citations :

Ils s’étaient procuré tellement de figurines et de marionnettes pour leurs procès truqués qu’ils en avaient finalement trop. Inutiles, superflues. La maman de l’Homme au coeur troué était l’une de ces marionnettes.(p.254)

Ce régime prend plaisir à se venger, et il se venge même après la mort, par la douleur de ceux qui restent. (p.317)

Si les jeunes les connaissaient, peut-être que tout serait différent, même aujourd’hui. Ils se comporteraient autrement. Ils apprendraient de nouveau à défendre leur propre liberté. Et peut-être seraient-ils… fiers de ce pays et d’eux-mêmes. (p.323)

L’image que je retiendrai :

Celle de ces jumeaux dont l’un est mort dans les bras de sa mère le lendemain de sa naissance et l’autre dans les bras d’une condamné le jour suivant. Ils s’appelaient Pavlicek et Petricek Jenikovi.

Je remercie infiniment les Editions Agullo pour leur confiance et l’envoi de ce magnifique roman en avant-première

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